En crise poétique depuis le jour de sa naissance en 1989.
À l’âge d’un an et trois mois, elle prononce son premier mot devant l’émission Des Chiffres et des Lettres, où, selon sa propre mère, elle aurait réclamé «une yayelle».
Elle prend goût à la littérature en mâchouillant son premier livre en plastique en 1991.
À la lecture de La Belle Lisse Poire de Motordu en classe de CE1, elle devient furieusement adepte des jeux de mots : ses petits camarades la prennent en grippe et déclarent qu’ils ne peuvent plus la sentir.
Première révélation d’un idéal libertaire à la lecture des Petites Filles Modèles en 1996.
Écriture de sa première poésie d’amour sur la page de garde du cahier d’arithmétique de Maxime Boivin en 1998.
Rupture avec Maxime Boivin à la suite d’une querelle sur «la supériorité» présumée de l’arithmétique sur la poésie.
Alors que la plupart de ses amis choisissent des études de droit, elle opte pour la tangente. Après avoir remporté haut la main un concours de circonstance en 2014, elle devient maîtresse de conférence et enseigne La poésie d’aujourd’hui et de demain à Hyères.
En 2020, elle écope de 48h de garde-à-vue pour incitation à l'émeute lors d’une lecture publique sur L’art de la description dans les romans champêtres de George Sand.
L’année suivante, elle participe à la grève menée par le syndicat des ponctuationnistes contre l’interdiction de l’usage de l’astérisque dans le corps du texte.
En 2028, elle est intronisée au Club de la césure, dont elle devient CHO* à mi-temps.
Parutions des oeuvres Au galop sur le cheval à bascule (2016), Les fouffes furieuses (2020), Le sourire de la femme à barde (2022), Libre comme l’air conditionné (2028), Toutes les croupes sont permises (2030), La plupart des morts l’étaient déjà de leur vivant (2034).
En 2035, son recueil Poésies de chats-tiroirs est salué par l’Union des Rimailleurs Félinophiles et reçoit le prix IKEA du meilleur assemblage lyrique.
La même année, elle fait sa première apparition télévisuelle dans l’émission littéraire Parenthèse(s), où elle crée un scandale diplomatique en défendant l’usage des guillemets français.
En 2039, elle refuse le prix littéraire de Nouvelles à Chutes de la ville d’Étretat.
Durant les années 2040, elle connaît une traversée du désert, qu’elle définira comme une crise de la cinquantaine carabinée par Tchekhov.
En 2064, elle modifie sa page wikipédia et remplace la mention «écrivaine et poétesse» par «vieille dame à chats».
En 2076, alors qu’elle a pour projet d’écrire un nouveau recueil de poèmes, elle succombe à la maladie dite du «vers solitaire»**
À la suite de son trépas, elle écope d’un bail purgatoire de 115 ans et se retrouve à hanter le rayon thrillers berrichons de la bibliothèque de Montluçon.
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*Chief Happiness Officer
**voici le vers en question, qui constitue le seul du recueil : «Dans cet engourdissement fécond où»